Rouen à la Renaissance

L'histoire de Rouen au début de la Renaissance, c'est celle d'une ville dynamique, la seconde du royaume, dominée par la personnalité de ses deux cardinaux successifs, Georges Ier d'Amboise de 1494 à 1510, puis son neveu Georges II, de 1510 à 1550 ; ils sont à l'origine de l'éclosion de la Renaissance à Rouen.

Georges Ier d'Amboise, premier ministre de Louis XII, est un mécène qui va favoriser la construction de la Tour de Beurre, financée en partie par les aumônes de dispense pour l'usage de beurre en Carême. Elle est achevée en 1508. L'année suivante commence la construction du portail central de la cathédrale, dont les travaux dureront jusqu'à 1521. À la même époque, on commence la construction de l'hôtel des finances, face à la cathédrale, sur la place de la Pucelle, l'hôtel de Bourgtheroulde, qui sera achevé plus tard avec la galerie à arcades et sa frise représentant l'entrevue du camp du drap d'or. Commencé en 1499, la palais de justice est terminé en 1526, et on achève l'année suivante de remplacer la vieille porte gallo-romaine par le Gros Horloge. En 1524, on avait terminé saint Maclou. Il restera à achever en 1542 la flèche de pierre de la cathédrale et l'année suivante la Fierte Saint Romain sur la place de la Haute-Vieille-Tour.

Cette floraison artistique est celle de la Renaissance, mais les aspects gothiques sont encore présents et coexistent avec les aspects "renaissance", comme à l'hôtel de Bourgtheroulde et au Bureau des Finances.

Ce foisonnement est rendu possible par l'essor économique de la ville depuis la fin du XVe siècle : la draperie se développe, en particulier à Darnétal (où les Rouennais délocalisent leur production pour échapper aux règlements des métiers rouennais…), mais aussi la soierie, la métallurgie…

Les Rouennais envoient leurs navires pêcher le hareng en Baltique, la morue à Terre-Neuve. Ils vont chercher le sel à Guérande ou à Sétubal au Portugal. Rouen continue à vendre ses draps en Espagne, où l'on achète la laine. On trouve des draps rouennais jusqu'à Cochin, en Inde. Pour les besoins de la draperie, on se procure de l'alun à Rome, dont le commerce est organisé par les Médicis et dont Rouen est la plaque tournante pour la France. Le commerce n'est pas seulement maritime, il est aussi fluvial et terrestre, grâce à l'amélioration des communications : on ne met qu'une semaine pour aller de Rouen à Lyon !

Il faut aussi teindre les draps. Pour cela on va chercher très loin les colorants. Au siècle précédent, Jean de Béthencourt a tenté de mettre en place le trafic de l'orseille, colorant rouge, entre les îles Canaries et la Normandie. Au XVIe siècle, les Rouennais s'intéressent au bois brésil, qui donne une teinture rouge, et ils envoient Verrazzano le chercher sur les terres auxquelles il a donné son nom : ainsi, Rouen devient le principal port pour le trafic avec le Brésil, et lors de la visite du roi Henri II en 1550, une fête brésilienne est organisée sur la Seine. C'est à Rouen que Montaigne rencontre des Indiens brésiliens.

La ville est alors une ville très ouverte sur le monde, les étrangers sont nombreux à s'y installer, en particulier les Espagnols et les Italiens, qui s'assimilent très rapidement. Qui décèlerait un Rucellai de Florence derrière un Rousselay rouennais, ou un espagnol de Séville derrière le patronyme Civille ? Cette ouverture est aussi intellectuelle : l'imprimerie apparaît en 1484 et l'on compte déjà 10 ateliers en 1500. Ils s'installent près du portail nord de la cathédrale, qui prend le nom de portail des Libraires. L'une des oeuvres majeures de cette époque est le Livre des Fontaines (1525).

Les guerres de religion (1562-1598) mettent fin à cette période brillante. La ville est investie par les calvinistes en 1562, puis reprise par les catholiques, puis en 1591-92, ce sont de nouveau les protestants d'Henri de Navarre, futur Henri IV, qui assiègent la ville, mais ils échouent.

Pour reprendre du terrain aux protestants, les catholiques de la contre-réforme établissent des couvents et des collèges d'enseignement. À Rouen, les couvents s'installent dans les seuls espaces encore libres à l'intérieur de la muraille, au nord de la ville, et c'est également dans ce quartier que s'ouvre en 1592 le collège des Jésuites, actuel lycée Corneille.

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